Alexis Potschke est professeur de lettres dans un collège de la banlieue parisienne, un collège situé dans une de ces zones que l’on appelle pudiquement « difficiles ». Si le texte qu’il nous propose dans ce livre est une fiction, c’est bien son expérience et le grand amour de son métier qui transparaissent à chaque page ; il parvient à travers une multitude d’anecdotes à nous faire partager le regard qu’il pose sur chacun de ses élèves. Derrière les attitudes désinvoltes et parfois insolentes se cachent bien souvent désirs et souffrances entremêlés.
Car ces élèves catalogués « pénibles » sont avant tout des enfants qui, comme tous les enfants, rêvent, ont soif de vie, d’affection et de savoir aussi… Sous la plume de l’auteur, chacun devient une personnalité exceptionnelle et c’est notre propre regard qui est ainsi amené à évoluer.
Composé de courts chapitres, écrit dans un style à la fois vivant et soigné, ce livre est très agréable à lire. Et drôle bien souvent ; l’auteur a un réel talent pour les expressions imagées : Dersim et Redouane menaient une conversation en la tirant comme une couverture et les mots employés avaient les pieds froids ! Ou encore : Olivia tombe du collège comme tombent les feuilles des arbres […], comme par mégarde le font les gouttes des robinets mal fermés.
Un beau livre qui dresse un tableau sensible de la situation d’un collège de la région parisienne et nous fait découvrir ce que peut y être le quotidien d’un jeune professeur ; un professeur qui réussit à nous faire comprendre le parcours de ses élèves et le sien, fait de joies, de déconvenues et de désarroi, le tout dans une grande humilité : On ne sait pas quoi faire, pas toujours, pas très bien, on fait au mieux. […] Les lettres qui font des mots doivent se sentir parfois un peu idiotes, parce qu’elles ne retiennent pas les larmes des enfants.
En terminant ce livre, on se dit que si l’école est bien là pour faire grandir les élèves, sans doute aussi fait-elle grandir les professeurs !
Les cafés ne sont jamais des lieux anodins. Didier Blonde en consommateur habitué des comptoirs s’y rince non seulement le gosier mais encore l’œil. Calé sur sa chaise, enfoncé sur la banquette, accoudé le long du zinc Il observe et nourrit son verbe des mille et une vies de ses habitués ou passants occasionnels qui y abandonnent toujours quelque chose d’eux-mêmes. Ne voulant rien laisser se perdre l’écrivain se l’approprie. C’est cette géographie parisienne qui nous est racontée avec tendresse. Mais l’érudit guette et l’écrivain instille discrètement dans son récit des évocations littéraires ou cinématographiques dont le cœur ou l’intrigue se nouent et se développent dans les bistrots.
Dans le dix-huitième arrondissement, Place Constantin-Pecqueur - « Au rêve » - Damia, Cendrars, Jean Marais, Mary Marquet, Jacques Brel, Suzanne Gabriello, Georges Simenon ont laissé les traces de leurs passages.
« Modiano le rodeur de Paris, le maraudeur nocturne les utilise comme lieu de rencontres de ses personnages dans Accident nocturne ou Chien de Printemps ».
Passage de l’Opéra, le café Certa est témoin des disputes entre Eluard et Picabia et de la dislocation du mouvement Dada.
Combien d’heures ai-je passé au café ? Heures perdues, heures denses ? La danse des heures prend un rythme singulier, une tournure toujours différente dans ces abris parisiens où des histoires pas comme les autres se vivent sous nos yeux.
Dès les premiers mots de ce livre attachant et précieux je m’y suis senti comme chez moi c’est-à-dire comme au café !
Christophe